ce que peuvent les corps
elsa poisot
les 11, 12, 14 et 15 février à 20h
le 13 février à 14h30 et 20h
« On peut décider de dire autre chose du monde que l’évidence triste, offrir un modèle combatif, même imparfait – évidemment imparfait -, plutôt que de faire un constat délétère et accablant, aussi acéré soit-il. »
Éloge des fins heureuses de Coline Pierré
Pour cette nouvelle création, Elsa Poisot prend pour point de départ ses rencontres avec d’autres femmes dont elle a recueilli les témoignages pour explorer ce que peuvent les corps lorsqu’on essaie de les contraindre dans leur capacité d’agir, de représenter, de faire lien ou tout simplement d’être.
Comment se forment les normes, les chemins de traverses, les résistances, les détournements et les abandons ? Comment dessiner, ensemble, de nouvelles cartographies des corps féminins ? La situation se mesure à l’aune des résistances, à l’impact des avancées et des reculs politiques, culturels et scientifiques.
Buddy Body est un projet qui trempe dans le réel tout en se laissant aller à la fiction parce qu’il n’y a rien de tel pour s’émanciper.
A celles qui viendront après nous.
« L’été 2010, je suis partie retrouver des amis comédiens haïtiens pour travailler sur un spectacle pour enfants à Port au Prince. Le séisme venait d’avoir lieu quelques mois auparavant. La ville était dans l’état qu’on a su.
Dans n’importe quelle ville ou rien d’autre que la violence ordinaire n’advient, les personnes qui cherchent abri pour dormir le font aux faveurs des recoins et des cachettes que peuvent offrir les bâtiments.
Dans une ville dévastée par un séisme, les gens s’installent au beau milieu de la rue, là où ils ne risquent pas que quelque chose les ensevelisse.
Ceux qui n’ont plus rien ne cherchent pas d’abri. Ils cherchent au contraire à se poser au beau milieu de l’espace, ils cherchent le vide.
Sur les trottoirs, les éboulis ; sur la route, les corps en campement.
Les corps s’abandonnent là, au centre, plus exposés que jamais et pourtant ils sont protégés par le rien. Par l’absence de matière.
Ce qui m’a le plus marqué je crois, ce sont ces corps dans l’obscurité.
Et en particulier celui de cette femme.
Cette femme nue dont la peau luisait à la lumière des bougies.
Une femme nue qui marchait, slalomant parmi les lits de fortunes.
Cette femme nue est une image que je n’oublierai jamais.
Elle marchait droite, on ne pouvait pas lui donner d’âge.
Elle se détachait du reste de la foule, comme si elle marchait au ralenti ou à un autre tempo que celui sur lequel s’accordaient tous les autres corps.
Il y avait quelque chose d’irréel dans sa présence.
Je me rappelle mon souffle coupé quand je l’ai regardé passer.
Et presque dans la seconde qui a suivi, j’ai pensé à la violence à laquelle sa nudité de femme l’exposait.
J’ai pensé en ces termes, ‘sa nudité de femme.’
Pourquoi parmi toutes les impressions fortes quasi surnaturelles que son image évoquait en moi, celle qui subsistait après tout, celle qui supplantait toutes les autres, c’était celle de la victime sexuelle potentielle ?
Pourquoi dans des circonstances aussi extraordinaires ma considération de cette personne s’en trouvait réduite à sa condition de genre. D’où venaient ses limites et quelles étaient les répercussions de cette considération sur l’autre, sur son corps et par extension sur le mien ?
Que font et que peuvent les corps lorsqu’on essaie de les contraindre dans leur capacité d’agir, d’influencer les événements, de représenter, de faire lien ou tout simplement d’être?
Comment se forment les chemins de traverses, les escapades, les résistances, les détournements et les abandons ?
Ces questions m’ont beaucoup travaillée cette nuit-là, et beaucoup d’autres par la suite, sans doute aussi parce que le cadre de la ville en ruine, les bruits la nuit, l’atmosphère.
Le lendemain, je me suis rendue chez un ami dont la maison/lieu culturel tenait encore debout.
Mon ami possède une bibliothèque à l’usage des gens du quartier. Je m’y suis arrêtée quelques instants et ma main a saisi au hasard un ouvrage. Il s’intitulait Minding the Body
C’est un ouvrage qui date de 1995. Il s’agit d’un recueil d’essais de plusieurs femmes qui, à l’invitation de Patricia Foster, une autrice universitaire américaine, se sont interrogées sur le rapport à leur corps ; L’autrice/éditrice leur a demandé de livrer sous forme d’un petit texte ce qui, dans leur relation à leur corps, leur avait posé problèmes, leur avait donné de la force, les avait surprises ou diminuées.Toutes y ont dévoilé une expérience singulière (maternité, vieillesse, rapport aux normes, maladies).
Les impressions du pays, les répliques du séisme et les textes des autrices s’y sont mêlés. Ceci est resté ancré en moi.
Depuis cette rencontre, je suis devenue mère. Et il ne se passe pas un jour sans que je me demande comment aider ma fille à percevoir son corps dans une perspective bien plus large que ce que les normes sociétales dessinent. Il ne se passe pas non plus un jour sans que je me demande comment identifier les potentiels dangers ou difficultés qu’elle pourrait rencontrer et comment la préparer à y faire face.
Les réponses à ces questions et à toutes celles qu’elles soulèvent en cascade ne sont ni simples ni figées. Le projet pourrait durer toute une vie, c’est une recherche active qui se confronte au réel en perpétuelle évolution, qui se mesure à l’aune du combat mené par des milliers de femmes à travers le monde, qui s’observe en mesurant l’impact des avancées et des reculs scientifiques, culturels et politiques. Par accumulation.
J’ai voulu faire de cette expérience une aventure artistique et j’ai souhaité m’inspirer de la démarche de Patricia Foster, trouver de nouvelles interlocutrices qui m’aiderait à dessiner une nouvelle cartographie des corps féminins. »
Elsa Poisot
« J’ai grandi dans un entre. Entre la banlieue en ZEP et la campagne, entre la métropole et les Antilles. Entre les paysan·nes de la France conservatrice, le milieu des profs engagé·es, les fonctionnaires antillai·ses, les chasseurs, les militant·es d’extrême gauche, les enfants d’immigré·es, les universitaires et les artistes. Certaines catégories n’en excluant pas d’autres, les obstacles et les passerelles ont dessiné mon regard.
J’ai d’ailleurs commencé à considérer autrement ma pratique en analysant l’écosystème dans lequel elle s’inscrivait, en m’engageant dans le processus de la Deuxième Scène.
J’ai compris que je voulais faire du théâtre au collège, en improvisant un sketch en anglais dans la classe. La langue anglaise et le théâtre.
Plus tard, Hervé Pierre m’a fait pleurer d’amour pour l’être humain dans Le voyage à la Haye. Je suis sortie de la salle en me disant que c’était le métier que je voulais faire.
En dehors de l’ESACT ou j’ai été formée il y a 20 ans Gérard Watkins, Philippe Taszman, Aurélie Molle, Sonia Boutitie, ou encore Nathalie Boisvert, Jean-Marie Piemme, Koffi Kwahulé, Véronika Mabardi, Fabrice Melquiot et Milady Renoir pour l’écriture, m’ont appris à écouter et à m’écouter. La liste s’allonge de projets en projets. Apprendre de la générosité.
Chaque projet nait d’une sensation ou d’une émotion forte à un instant T. Et c’est cette sensation qui impose la forme que prendra l’objet final. Je n’ai pas de forme de prédilections, alors à chaque projet, je me remets en processus d’apprentissage. Je pourrais être une éternelle étudiante. Je m’entoure aussi. De beaucoup de gens très différents. Mes projets se polissent en se frottant à leurs questions. »
Elsa Poisot
Écriture et mise en scène : Elsa Poisot
Assistanat à la mise en scène, enregistrement : Tara Veyrunes
Dramaturgie : Camille Khoury
Performance, jeu : Marion Lory, Susi Vogel, Miriam Youssef
Expertise : Nathalie Grandjean, Jacinthe Mazzocchetti, Joan Tronto
Librement inspiré des témoignages de Carolyne Digriz Terras, Anaïs Lapel, anonyme
Création plastique, scénographique : Emilie Jonet, Ditte Van Brempt
Costume : Emilie Jonet
Composition sonore, enregistrement : Jean-François Lejeune, Myriam Pruvot, Corinne Ricuort
Chorégraphie : Betty Mansion
Création sonore : Susi Vogel
DJaying : Susi Vogel
Régie générale : Tom Waterkeyn
Création lumière : Jérôme Dejean
Maquillage : Mathilde Wallez
Coach vocal : Marie-Ange Tchai Teuwen
Chargée de production : Sonia Boutitie
Production : Ecarlate La Compagnie
Coproduction : la Balsamine (Bruxelles, Be), Le Rideau (Bruxelles, Be), le Centre Culturel de Huy (Be), La Coop asbl et Shelter prod
Aide : service Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof Culture, Fonds pour la Recherche Création de l’UCL
Soutien : La chaufferie acte 1 (Liège, Be), la Compagnie Maps (résidence Enfants admis), la Curieuse Résidence (Voix De Femmes), taxshelter.be, ING et Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge
Diffusion: MTP MEMAP
Remerciements : Nicolas Petit-Jean, Sarah Brahy, Fabrice Melquiot, Laurence Boutitie, Jean-Marie De Smet, Valérie Kersten
Photo : © Mélanie Peduzzi
Mercredi 12 février, à l’issue de la représentation – aftershow
Rencontre avec l’équipe artistique. Un moment privilégié pour débattre et échanger en toute convivialité. Petite particularité, la rencontre est menée par une autre artiste de la saison choisie par Elsa Poisot : Mélanie Peduzzi – photographe de la saison et membre du collectif Xeno- qui organisera le festival boutures en juin prochain.
Atelier de renommage de rue : rendez visibles les femmes* dans l’espace public !
Samedi 15 février de 16h30 à 19h
Rejoignez-nous pour un atelier créatif et engagé, visant à dénoncer l’invisibilisation des femmes* dans l’espace public. Après avoir pris le temps de découvrir des biographies de femmes mé/in/connues, nous choisirons d’en mettre en lumière certaines, en réalisant des plaques de rue symboliques à faire vivre dans le quartier : un acte collectif, politique et thérapeutique pour revendiquer plus d’espace pour nos corps autant que pour nos noms dans l’espace public.
Tout le matériel est fourni, il ne manque plus que vous !
réservation par mail à reservation@balsamine.be
Présentation Noms Peut-Être
Noms Peut-être est une organisation féministe sans but lucratif et basée en Région bruxelloise visant à mettre en avant des femmes* d’ici et d’ailleurs, dénoncer leur invisibilisation dans l’espace public, l’Histoire et l’art, tout en proposant des modèles inspirants à toustes.
La collective est née en 2017 en entreprenant des actions de désobéissance civile de renommage de rues (mais aussi des arrêts de métro ou des auditoires d’université) avec des noms de femmes.
Dans la continuité de ces actions, Noms Peut-être a développé et anime cinq circuits de balades féministes à Bruxelles et propose également sur son site diverses biographies de femmes.
⁎Par « femmes », il est entendu toute personne qui a fait, fait ou fera l’expérience sociale d’être femme au cours de sa vie. Nous privilégions une définition sociale et politique à une définition dite «biologique » afin d’inclure les personnes non binaire ou transgenres.
Celles qui jouent
Portraits d’actrices par Caroline Berliner
Podcasts en écoute dans le foyer de la Balsamine, tous les soirs de représentation
Dans le cadre de HerStories, un ensemble de projets mêlant créations artistiques et transmission de savoirs liés à la représentativité des femmes dans le secteur des arts de la scène en FWB, Ecarlate la Cie et le Fame festival ont collaboré avec Caroline Berliner de Le bruit et la fureur asbl pour la création d’un podcast.
Celles qui jouent donne la parole à cinq actrices de théâtre de Belgique francophone dont le parcours a traversé les cinquante dernières années. En explorant leurs trajectoires artistiques, intimes et politiques, un récit pluriel se compose et un paysage se dessine, au sein duquel la place des femmes se révèle.
Épisode 1 : Anne-Marie Loop
Épisode 2 : Estelle Marion
Épisode 3 : Agnès Limbos
Épisode 4 : Francine Landrain
Épisode 5 : Jo Deseure
Conception, prise de son, réalisation : Caroline Berliner
Montage : Aurélia Balboni
Musique : Isa Stragliati
Mixage : Maria Conterno
Une idée originale d’Elsa Poisot et Camille Khoury
Une production Ecarlate la Cie/ Fame Festival dans le cadre de HerStories
En collaboration avec Le bruit et la fureur asbl
Avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles Droits des femmes
Avec l’aide de Radio Panik et le Théâtre National Wallonie – Bruxelles
Merci à Jacqueline Bir, Janine Godinas, Nicole Valberg, Karolina Svobodova, Antoine Laubin, Fabrice Adde, Julie Jaroszewski, Maude Malengrez, Michèle Lemoine, Valentine Gérard, Véronika Mabardi, Vincent Pinckaers.