de mon plein gré
jessica gazon
du 18 au 22 novembre à 20h00
le 20 novembre à 14h00
De mon plein gré, c’est l’histoire d’une enquête.
Quelqu’un arrive dans un commissariat. Elle sent l’alcool. Elle se « livre » à la police. Attitude coupable. Quel crime a-t-elle commis ? Les interrogatoires s’enchainent. Les faits se révèlent. Détail après détail. La « vérité » se questionne et se recompose jusqu’à devenir implacable.
Avec De mon plein gré, Jessica Gazon nous propose une adaptation théâtrale du roman éponyme de Mathilde Forget et crée au plateau une pièce chorale qui décrypte pas à pas les processus psychologiques et judiciaires kafkaïens dans lesquels une victime de viol est plongée lorsqu’elle décide de porter plainte. Et plus spécifiquement encore quand il s’agit d’un viol punitif lesbophobe.
Un projet comme un voyage nécessaire pour que des paysages résilients et empuissançants se révèlent enfin à nos regards.
« Je n’ai tué personne. Mais il va falloir me défendre car je suis coupable. Sans victimes déclarées, les crimes n’existent pas. En le révélant, je suis coupable de faire exister le crime. » De mon plein gré – Mathilde Forget
Je suis tombé·e dans le roman d’autofiction très tôt. Cette forme d’écriture me ravit, me happe, m’électrise, m’aide à vivre.
Certaines se sont transformées pour moi en besoin de les intégrer à ma pratique théâtrale en les adaptant à la scène. Ces œuvres m’ont transformées, m’ont accompagnées pendant des mois/années de processus, et m’ont permis d’explorer et de comprendre des zones où je ne m’étais pas encore aventurée.
L’adaptation théâtrale de ces récits sont venues intégrer mon travail d’écriture de plateau, dans un jeu de déplacement réciproque. Comment le théâtre bouscule-t-il un roman ? Comment ce roman bouscule-t-il ma pratique et mon esthétique, dans un troublant filigrane où tantôt l’organicité des corps prime, tantôt le texte et la narration.
Je cherche des œuvres prêtes à déplaire, à déchirer le voile du poli, du « bien dit », du récit qu’on connait par cœur. C’est là que j’y trouve assez d’inspiration et de questions pour avoir envie de les transposer au plateau, de les incarner, de les fractionner.
Par ailleurs, certains champs de préoccupations s’imposent à moi systématiquement, telles des variations sur les mêmes thèmes : rapports de domination, violences faites aux femmes, aux enfants et aux minorités de genre, culture hétéropatriarcale et capitaliste.
En adaptant DE MON PLEIN GRÉ de Mathilde Forget au théâtre, plusieurs de ces contextes sont mis en perspective à travers l’outil collectif du théâtre. Accompagné·e d’une équipe pour qui la matière est essentielle également, nous trouvons dans ce récit d’auto fiction assez de souffle pour mettre en commun nos luttes, et faire corps avec ce texte. La question du « qui parle? », « qui incarne? » est très importante pour moi pour que chaque partenaire du projet soit partie prenante des matières et sujets déplié·es au plateau, en tant que co-créatri·x·ce.
« SI TU ES TELLEMENT ATTIRÉ, ESSAIE D’ENTRER MALGRÉ MON INTERDICTION. MAIS ATTENTION : JE SUIS PUISSANT. ET JE NE SUIS PAS LE DERNIER DE TOUS LES PORTIERS. MAIS DE SALLE EN SALLE, IL Y A DES PORTIERS, CHACUN PLUS PUISSANT QUE LE PRÉCÉDENT. » FRANZ KAFKA, LE PROCÈS
Quelles conditions faut-il remplir aux yeux de la société pour pouvoir être considérée comme une « bonne » victime ? Quelle détermination faut-il pour aller au bout de ce processus reconnaissance si maltraitant ? A-t-on encore le droit à la moindre « erreur » ?
À travers son parcours et ce récit intime et personnel, Mathilde Forget nous emmène avec elle dans un parcours kafkaïen où elle met en lumière les méandres de l’enquête judiciaire menée suite à sa plainte. L’angle est précis : il aborde la question d’un v**l, mais plus précisément le tabou d’un v**l lesbophobe et punitif. Chaque étape de la narratrice, chaque épreuve franchie, nous plonge dans la même absurdité et violence judiciaire subie par la victime. La justice n’a pas été élaborée pour, ni par les personnes discriminées. Malgré les avancées réalisées dans l’accompagnement des victimes de violences sexuelles, (justice restauratrice, CPVS > Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles, numéro vert SOS Viol…), le système de la justice pénale à ce sujet est encore actuellement mal adaptée et entraîne souvent un continuum de traumatismes plutôt qu’une quelconque réparation.
« LE CORPS EST UN LIEU QU’ON NE QUITTE JAMAIS. JE PEUX QUITTER UNE VILLE, UN PAYS, UNE PERSONNE, M’EN ÉLOIGNER AU MOINS. MAIS LORSQUE L’ÉVÈNEMENT A LIEU DANS LE CORPS, EN SON CREUX, AU FOND DU VENTRE, ON EST CONDAMNÉ Á VIVRE AVEC. »
MATHILDE FORGET, DE MON PLEIN GRÉ
Qu’est-ce que les violences sexuelles font à nos esprits et à nos corps ? Comment ce corps se dissocie-t-il ? Comment ce lieu devenu champ de bataille, devient-il un espace de réappropriation et de résistance ?
Dans un état de sidération extrême, extra lucide, De mon plein gré pose des mots sur nos survies physiques et psychiques, et les dégats collatéraux que subissent les victimes de VS.
Étonnamment lumineux et décalé, presque absurde, ce récit bouleverse, crève le coeur, mais donne de la force également, rend féroce, et nous souffle subtilement des clés d’espoir, de guérison et de reconstruction à l’oreille.
Jessica Gazon
« Né·e à Verviers dans une famille anarcho-écolo-bizarre, j’arpente durant mes 18 premières années des chemins de campagne entre terrains vagues et bleds de Rekems avec une seule certitude en tête : faire du théâtre. Mon parcours n’est que mutations et transitions : corps malade, en rémission, en découverte, enceint·e, en quête de sens, en colère, en révolution, le chemin est sinueux. Après un passage en écoles de théâtre, je joue dans quelques productions et j’ai rapidement un goût de trop peu. Je décide alors de porter mes projets suite à des rencontres improbables, accidentelles et/ou déterminantes, dont un certain Thibaut Nève (Coucou Titi !) avec qui je fonde une compagnie. Un processus de création, d’autofiction ludique et d’écriture de plateau s’ouvre à moi. Dans un premier temps, c’est une marmite d’explorations diverses qui germent, dans des lieux tout aussi émergents que nous, entouré·es de nombreux·ses artistes téméraires et généreux·ses, qui contribuent à faire mijoter cette marmite. En corrélation, ma conscience politique s’éveille, s’énerve, et un besoin d’engagement se déploie au fur et à mesure des créations. Dans la foulée, je trébuche sur les essais et la pensée de Paul B. Preciado, qui déplacent et affutent mon regard sur le monde. Il y en aura tant d’autres. En tant que metteur·euse en scène, mon point d’attention est de proposer des aventures humaines où pratiques artistiques et soin des équipes sont au cœur d’un processus créatif où se mêlent douceur, joie et exigence. On ne va pas se rendre malade pour du théâtre. »
Jessica Gazon
Mise en scène/adaptation : Jessica Gazon
D’après un texte original de : Mathilde Forget
Publication aux éditions Grasset – 2021
Assistanat général : Anna Solomin-Ohanian
Jeu : Leïla Chaarani, Marthe Degaille, Baxter M. Halter
Création sonore : Baxter M. Halter
Dramaturgie : Anaïs Moray
Costumes et accessoires : Élise Abraham
Scénographie & lumière : Collectif La Clam – Micha Morasse (scénographie) et Cha Persoons (lumière)
Chargée de production : Lila Bronlet
Une création de Cie Gazon·Nève
Production : Cie Gazon·Nève
En partenariat avec : la Balsamine (Bruxelles, Be)
Coproduction : La Coop asbl et Shelter Prod
Aide : service Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles
Soutien : taxshelter.be, ING et Tax-Shelter du gouvernement fédéral belge
Soutien en résidence : La Ferme Rose (Uccle, Be) et Varia – Théâtre & Studio (Bruxelles, Be)
Photo : © Nour Beetch