si tu continues comme ça…
rémi faure-el bekkari
Du 30 octobre au 1er novembre et du 4 au 8 novembre à 20h00
Le 4 novembre à 10h30
« Si je continue à essayer de rester dans des cases, de correspondre, de vouloir faire partie du groupe… Je vais crever. Alors plutôt que de décéder, je me suis dit qu’écrire un seul en scène serait une option moins dramatique. » Rémi Faure-El Bekkari
Pour sa toute première création, Rémi Faure-El Bekkari présente un spectacle qui mêle les arts du stand-up, du théâtre et de la poésie et qui s’interroge sur « l’identité ». Multiple, évidemment. Fluide, heureusement. Paradoxale, souvent. Contraignante, parfois. Émancipatrice, à l’occasion. Violente, trop souvent. Réconfortante, quand il le faut. Drôle, toujours.
Entre danger néo-fasciste et hypocrisie de la « bourgeoisie de gauche », peut-on s’extirper des places qu’on nous assigne ? Peut-on se défaire du regard des autres ? A-t-on réellement la possibilité de changer ?
Un premier projet qui s’annonce comme une comédie expérimentale à la fois tendre et sans concessions. Bizarre, assurément, puisqu’après tout, c’est ce que nous sommes.
« Vous demandez : Que pouvons nous faire pour vous? Vous ne pouvez rien faire pour nous tant que vous resterez chacun le représentant de la société normale, tant que vous vous refuserez a voir tous les désirs secrets que vous avez refoulés. Vous ne pouvez rien pour nous tant que vous ne faites rien pour vous-même. »
Extrait du Rapport contre la normalité – Front homosexuel d’action révolutionnaire (1971)
« Aucun homme ne parvient à se hisser à la hauteur des standards patriarcaux
sans s’engager de manière permanente à pratiquer la trahison de soi »
La volonté de changer – Bell Hooks
Ce projet est l’histoire tragique et drôle d’une vie banale.
Son point de départ est une phrase qui surgit dans mes toilettes il y a un peu plus de deux ans : « Si tu continues comme ça, tu vas crever ». Ce n’était pas la voisine, dieu ou la dernière chanson de Marc Lavoine, mais ma conscience me mettant face à une réalité. Ma vie ne me convenait tout simplement pas.
« Si tu continues comme ça… » re-surgissait désormais régulièrement dans différents aspects de ma vie : mon couple, ma sexualité hétérosexuelle, mon métissage white-passing et parfois même dans mon travail pourtant constamment accompagné du mot passion.
Au bord d’une dépression imminente et avec l’envie de se foutre en l’air, il était temps de comprendre ce qui m’avait amené dans cette impasse et de me poser la question : qui je suis et qui je veux être vraiment ?
Il se trouve que j’incarne parfaitement l’homme hétéro-blanc-cis-genre. Cela définit (visiblement) ma personnalité, mon corps et ma pensée. Pourtant, mon histoire est faite de métissage, de violence masculine, de bisexualité interdite. Tout dans mon histoire et mes désirs entre en contradiction avec cet idéal patriarcal que je représente. Que s’est-il passé ? Pour répondre à cette question, ce projet prend d’abord la forme d’une enquête. Dépassant la simple exploration d’identité, il s’agit d’un exercice d’auto-analyse et d’autocritique des conditionnements et impostures de notre société contemporaine. Ce n’est pas le spectacle d’un héros et de sa bonne conscience. C’est l’aveu et l’exploration d’expériences honteuses se trouvant dans l’angle-mort. Cet échec intime est le point de départ d’une réflexion et l’espoir d’un changement individuel.
Mais ensuite… qu’en est-il de la possibilités d’un changement collectif ?
En faisant du théâtre, je me suis confronté à un nouveau milieu social, de nouvelles références culturel, une nouvelle façon de penser, il à fallu se déconstruire. C’était nécessaire pour moi-même et pour les autres. Mais cela ne s’est pas fait sans difficultés et sans paradoxes dans un milieu traversé par les contradictions bourgeoises et le snobisme.
En effet, ayant grandi dans un quartier populaire de Marseille où le théâtre sont les spectacles de comédie à la télé et les sketchs à la radio sur Rire et Chanson je ne me suis pas toujours senti à ma place. J’ai eu besoin de m’éloigner du « beau théâtre » pour me reconnecter à un rapport plus intime, plus personnel à la scène. J’ai eu besoin de retourner vers le stand-up. Ce faisant, je souhaitais aussi questionner les rapports existant entre ces deux formes artistiques, mesurer la distance qui existe entre le comédie-show et le théâtre, mesurer la distance qui existe entre ces différentes classes sociales. Tout a coup, l’émancipation personnelle semblait ne plus suffire à me libérer tout à fait. C’est là que j’ai voulu interroger la dimension matérielle et collective de cette révolution intime.
Ce seul en scène est construit à la croisé des chemins, à travers la complexités des identités, la frontières qui sépare différents milieux, la distances entre diverses formes artistiques, entre expérimentation scénique, pensée queer-feministe et aussi comedy-club.
Ce spectacle est la volonté de s’émanciper de soi-même tout en dénonçant une génération réactionnaire, coincée dans ses certitudes et représentante d’un monde qui collapse. Je veux lui confronter une génération qui arrive, à qui on a légué un héritage trop lourd mais qui se révolte comme elle peut, parfois de manière maladroite, en ré-inventant son langage, ses gestes, avec une radicalité et un humour souvent nécessaire pour changer de paradigme.»
Rémi Faure-el bekkari
« Dans mon souvenir, c’est la nuit. Du haut de mes 15 ans, au 10ème étage d’une cité marseillaise, je passe délicatement la balustrade… Je ne saute pas. Mais je décide deux choses : entrer en rupture avec ma famille et rétablir le dialogue avec moi-même.
Spoiler : je n’y suis jamais arrivé.
Après des études médiocres et une formation professionnelle de technicien du son, j’ai intégré l’E.S.A.C.T. par hasard en passant le concours en tant que réplique d’une amie comédienne. Lauréat en 2017 d’un Master (mes parents ne m’ont pas cru), j’ai joué dans J’abandonne une partie de moi que j’adapte de Justine Lequette, Laboratoire Poison d’Adeline Rosenstein ou encore Lucifer d’Antonio Carmona et Melissa Zehner. J’ai aussi commencé le stand-up depuis trois ans sous le nom de ma mère (Rémi El Bekkari), je suis également auteur-compositeur d’un groupe de musique où je suis tout seul (https://soundcloud.com/super-violet).
Ce spectacle s’inscrit pour moi dans un désir de rupture avec ma pratique en me réappropriant le théâtre à ma façon, plus en phase avec le contexte social dans lequel j’ai grandi et plus proche de mes luttes intimes. Ce projet est un moyen pour moi de donner une voix à ces trous dans la logique, à cette colère sourde dans ma tête. L’écriture de stand-up me permet de créer avec le public une conversation fantasmée que je n’ai jamais eue avec ma famille, avec les gens de mon quartier, avec moi-même. Ce projet sera donc la poursuite de cette intention d’adolescent : rétablir le dialogue. »
Rémi Faure-El Bekkari
Écriture et jeu : Rémi Faure-El Bekkari
Regards et dramaturgie : Anna Solomin-Ohanian
Aide à la mise en scène : Étienne Blanc
Regard extérieur : Mégane Kergoat
Remerciement chaleureux : Fanny Cuvelier, Delphine De Baere, Lorenzo Mancini, Josépha Sini, Laura Ughetto, Sara Selma Dolores, Dena
Présentation : les Halles de Schaerbeek (Bruxelles, Be), la Balsamine (Bruxelles, Be)
Coproduction : la Balsamine (Bruxelles, Be), Les Halles de Schaerbeek (Bruxelles, Be), Théâtre l’Aire Libre (Saint-Jacques-de-la-Lande, Fr)
Projet soutenu par : la Fédération Wallonie-Bruxelles et par le réseau R.O.M (Residencies On the Move) au théâtre à l’Aire Libre (Saint-Jacques-de-la-Lande, Fr) sur invitation de la Balsamine (Bruxelles). Le réseau R.O.M est soutenu par l’Union européenne dans le cadre du programme Creative Europe, le Conseil des arts de Montréal et le Conseil des arts et des lettres du Québec.
Soutiens en résidence : Maison Poème (Bruxelles, Be), Fabrique de Théâtre (Frameries, Be), le Bamp (Bruxelles, Be), Maison de la culture de Tournai/maison de création (Be), Théâtre de Namur (Be), Corridor (Liège, Be). Festival de Liège / Manège Fonck (Be)
Photo : © Nour Beetch